Joël Hubaut / Dijon

Compil’ épidémik Pest Modern
Exposition monographique de Joël Hubaut
Galerie Barnoud - Entrepôt 9 (Quetigny)
9 bd de l'Europe, 21800 Quetigny
du 16 juin au 31 août 2016
vernissage le jeudi16 juin, à partir de 18h
performance de Joël Hubaut vers 19h
ouvert les mercredis, vendredis et samedi de 15h à 19h et sur rendez-vous
fermé du 1er au 15 août 2016


À l’occasion du festival ONE+ONE, the art & rock event, la galerie Barnoud propose une exposition personnelle de Joël Hubaut, né en 1947 à Amiens, comprenant des œuvres en volume (dont certaines ont été créées in situ), des photographies et des dessins. Dans la monographie parue en 2006 aux éditions Les presses du réel, Joël Hubaut est décrit comme « un précurseur du mixage [qui se livre] à d’incessantes et intempestives relectures de l’histoire de l’art. Depuis 1970, le flux de son activité est placé sous le signe de la dérive « épidémik » et du « mixage ». Sous des formes improbables et parodiques, usant de tous les médiums, son œuvre fictionnelle et poétique convoque une esthétique de la dispersion qu’il revendique tel un manifeste de vie. Réalisant surtout des sculptures de détournement et des dessins délicats autour des architectures utopiques et du corps mutant, il est surtout connu pour ses performances/installations plutôt rock’n roll et sa poésie sonore épidémik ».


François Coadou, auteur de l’ouvrage Joël Hubaut, un éloge de l’impureté, paru il y a tout juste un an chez ENd éditions, écrit, à propos de son travail : « L’œuvre de Joël Hubaut mène une lutte, pour ainsi dire une guérilla, contre les fondements et différents composants du pouvoir, contre tout ce qui, à ses yeux, réifie et aliène la vie et l’individu. […] À l’obsession d’une pureté qu’elle estime dangereuse, [son] œuvre oppose l’énergie d’une désorganisation, d’une révolution générale et joyeuse, l’explosion continue d’une impureté libératrice ». Cela foisonne, en effet, chez Joël Hubaut. C’est dans les années 1970, dans le sillage de mai 68, qu’il crée ses premiers signes d’« écriture épidémik », envahissant tous les supports. Le « k » final du néologisme « épidémik » est une référence au personnage principal du Procès (1933) de Franz Kafka, Joseph K., victime d’un pouvoir absurde et coupable uniquement d’exister. Joël Hubaut célèbre les particularités et la liberté individuelle, parfois en donnant l’impression de tendre, au contraire, vers l’uniformisation. C’est ce que l’on peut ressentir au premier abord en contemplant, par exemple, une photographie issue de sa série des « CLOM », où tous les participants sont habillés de la même couleur et entourés d’objets de cette couleur unique. Mais le titre ne trompe pas : « CLOM » signifie « Contre L’Ordre Moral ».


« Héritière des bohèmes et des avant-gardes, contemporaines au sens fort du moment philosophique 68, l’œuvre de Joël Hubaut demeure fidèle à remplir ce rôle de contre-pouvoir, à porter cette ambition de mise en crise, cette mission épidémik dans un milieu de l’art qui a, derechef, largement cédé aujourd’hui au pouvoir, qu’il soit politique ou économique. J’ai souvent remarqué, à prospecter pour des expositions, combien l’œuvre de Joël Hubaut ou Joël Hubaut lui-même font peur : il y a ici quelque chose d’incontrôlable, et du coup d’inacceptable pour qui d’abord ne veut pas de problèmes, pas faire de vagues, mais seulement distraire, amuser, faire oublier la réalité, pour qui veut d’abord vendre ou continuer, à l’exercice suivant, de recevoir ses subventions. Ce n’est pas la moindre raison sans doute pour laquelle, commencée autour de 1970 et continuée depuis dans l’esprit de la mission qu’elle s’est alors donnée, l’œuvre de Joël Hubaut semble contenir ou exprimer plus de jeunesse que les œuvres de bien des « jeunes artistes » » (François Coadou, Joël Hubaut, un éloge de l’impureté, Le Ban Saint Martin : ENd éditions, 2015).


Pour son exposition à Quetigny, Joël Hubaut construit notamment une « cabane » constituée de matériaux résiduels et objets du quotidien collectés dans les environs et minutieusement empilés en respectant l’aplomb et l’équerre nécessaires à la stabilité de l’ensemble. Selon lui, ce « dispositif « architextural » en équilibre de niveau de gravité chaoïde », illustre le fait que « chaque fragment même le plus infime peut toujours devenir essentiel (comme dans la vie) pour maintenir l’équilibre adéquat obtenu à partir du chaos ».


…/ On va tenter de se reconstruire. On va essayer. On va se rebâtir avec nos déchets industriels. On va refaire nos maisons en échangeant nos langues bricolées. On va bâtir nos résidences bâtardes avec toutes nos langues pour l’éveil. On va parler dans la tôle et les détritus et les surplus avec toutes nos langues bâillonnées. On va faire mine de s’abriter en se mettant à découvert pour être à vif. On va faire cela très vite contre l’abondance indécente. On a si peu de temps. Ça urge ! Y’a pas une minute à perdre
pour se perdre en montant l’échafaudage de nos paroles singulières contre l’asservissement des lobbies. Toutes les lettres sont des bouts de maisons. Il faut le propager. On est pressé. Chaque mot est une habitation potentielle. On ne peut plus se taire. Il faut construire le langage de l’extrême urgence. On habite notre langage pour s’échanger et se partager. À nous tous, on est les nouvelles villes futures de biodiversité.
On ne veut plus des fausses fondations qui nous leurrent. On a trop honte de la sur-consommation. On veut maintenant loger directement dans notre parole essentielle. On écrit avec l’architecture du désir. On va parler avec les rebuts de nos excédents. On ne se parle plus ou on se parle bien trop mal. On va tout reconstruire avec nos déchets. On va tout reconstruire avec notre trop-plein et nos rabiots. On va rabioter nos stocks hors du rouage. On va faire vite pour le dire en silence. Ça devrait faire pas mal de bruit …/
(Joël Hubaut, 2004 (extrait d’un poème sonore).


« Je présente dans l’exposition deux têtes de Ronald en résine peintes et laquées chez un carrossier. J’ai orné, peint, maquillé la tête du Ronald Macdo en mixant les signes symboliques des amérindiens, j’ai mixé leurs peintures rituelles de guerre, de cérémonie et d’apparat avec mes signes épidémik pour le respect, la dignité et l’amour de chaque amérindien bafoué, avili, détruit. Ainsi, j’ai tenté de transformer et nettoyer la tête du Ronald conquérant, colonisateur et totalitaire pour ré-activer l’esprit de toutes les tribus éradiquées sauvagement. Le Ronald dominateur est désormais hanté par l’esprit de chaque amérindien, il est, je le souhaite et pour leur rendre hommage, enfin lavé, guéri, réparé » Joël Hubaut.